Des huissiers de justice saisissent les stocks d’engrais de la Cotontchad

Juda 30 août 2023

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Des huissiers de justice commis par le patron de l’entreprise SIAC (Société Agro-alimentaire du Chari) en conflit avec l’Etat tchadien mettent sous scellés, les magasins de stockage d’engrais et des produits phytosanitaires, ainsi que d’autres biens de la Cotontchad. C’est la conséquence d’une décision de justice rendue en faveur de la SIAC dans l’affaire l’opposant à la Cotontchad. Un dossier aux contours sulfureux dans lequel, le patron de la SIAC réclame 3,5 milliards de francs CFA à la Cotontchad.

Depuis quelques jours, des huissiers de justice infestent les usines de la Cotontchad pour saisir les biens matériels de cette société. A Doba, Moundou et Pala, les stocks d’engrais NPK et d’Urée, ainsi que d’insecticides sont mis sous scellés par une équipe des huissiers, accompagnés des gendarmes armés jusqu’aux dents. Cette saisie aura des conséquences majeures sur la campagne en cours car les saisis sont opérés au moment où les producteurs ont besoin des engrais et des produits phytosanitaires pour traiter leurs champs de coton. Avec la mise sous scellés des stocks d’engrais pour une éventuelle vente aux enchères, ce sont les cotonniers qui vont en pâtir. Les champs non traités ne pourront produire comme il se le doit puisqu’abandonnés à la merci des ennemis de culture et tout autre ravageur qui ne laisseront pas les cotonniers croitre. Partout dans la zone de production cotonnière, les cris des producteurs montent. Ces derniers ne savent sur quel pied danser. Joint au téléphone, le président de l’Union nationale des producteurs de coton (UNPCT), Mbontar Ndouko ne sait à quel saint se vouer. « C’est arrivé comme un coup de massue sur ma tête. Vous savez, le rendement est tributaire des facteurs de production. Si n’avons pas les engrais et les insecticides, il faut ne s’attendre à rien cette année. La production va drastiquement baisser et c’est la mort même de la Cotontchad qu’on cherche à travers cette saisie en pleine campagne », estime Mbontar Ndouko qui sollicite du président de la transition une intervention d’urgence pour sauver la campagne.

Les producteurs demandent l’intervention du PT

Pour le président de l’Union nationale des producteurs de coton, il faut libérer les magasins de la Cotontchad très rapidement pour permettre aux producteurs de s’approvisionner en engrais et insecticides. « Nous demandons aux plus hautes autorités, plus particulièrement, le président de transition, Mahamat Idriss Deby Itno de prendre en main ce dossier qui risque d’anéantir ses efforts en faveur du monde rural. Le PT s’est engagé à nous aider à augmenter la production, nous nous sommes jeter à l’eau dans l’objectif d’atteindre au moins 200 000 tonnes cette année. Alors, nous lui demandons de réagir dans ce dossier. Sinon, ses efforts pour la relance de la filière coton et l’amélioration de ses concitoyens du monde rural seront vains», interpelle le président des producteurs de coton. Du coté de la Cotontchad, les responsables disent observer avec stupéfaction cette situation, qui une fois de plus, réduit les efforts du groupe Olam à relancer la filière coton au Tchad. Pour eux, l’Etat doit prendre ses responsabilités pour éviter une campagne morte aux cotonculteurs. « Nous avons écrit aux plus hautes autorités du pays, et espérons que solution sera trouvée urgemment à cette situation qui n’augure pas de lendemains meilleurs à la filière », informe un haut responsable de la Cotontchad.

Le dossier en question

En effet, avant sa privatisation, la Cotontchad sous Mohamed Ibni Oumar Mahamat Saleh, a acquis une usine de « raffinage » d’huile d’arachide implantée à environ 10 Km de la ville de Sarh pour un montant d’environ 4 milliards FCFA mais qui est impayée. C’est une affaire floue que seul le fils de l’opposant disparu en 2008, ex PDG de la Cotontchad en détient les secrets. Lors de la signature de la convention de reprise des passifs de la Cotontchad entre l’Etat tchadien et Olam en janvier 2019, cette dette devrait être payée par l’Etat tchadien, actionnaire à 35% de la Cotontchad. Le Tchad s’est engagé à reprendre les passifs au titre de la Convention correspondant à la somme de 35 462 389 145 FCFA. La dette de la SIAC y figurait. Mais, l’Etat n’avait pas honoré ses engagements, et le Pdg de la SIAC a saisi la justice qui au lieu de condamner l’Etat à payer sa dette a plutôt condamné la Cotontchad, version Olam. L’affaire a fait le tour de nos juridictions avant d’atterrir à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) qui donna raison à SIAC. Le conseil de cette société a commencé à faire pression sur la Cotontchad, allant de la saisie des comptes bancaires à celle des intrants agricoles et matériels de travail, touchant directement à la production cotonnière en cours. Face à cette pression judiciaire, ajoutée à la commission d’enquête du Conseil national de transition, l’on en droit de dire, si ce n’est pas le plan de liquidation de la Cotontchad qui est en train d’être mis en œuvre, pour obliger le partenaire Olam à plier bagages ? Si tel en est le cas, ça sera bien dommage pour des millions de personnes qui vivent de la filière cotonnière. Ça sera encore bien dommage pour l’économie tchadienne. Wait and see.

Murrow Issa Changéngar

Ecobank