20 octobre 2022 : Une journée maudite

Juda 20 octobre 2023

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Aujourd’hui 20 octobre 2023, cela fait exactement 1 an que les événements douloureux du 20 octobre 2022 étaient survenus. Plusieurs victimes et témoins oculaires gardent en mémoire les évènements. Témoignage.

La nuit était longue, plus longue pour moi, à la veille des manifestations du 20 octobre 2022, à N’Djamena, cité capitale. Tout seul dans ma concession, je trouvais difficilement le sommeil, moi qui habite non loin du siège du Parti Les Transformateurs. Malchance, je n’en sais rien. Ma peur était accentuée au petit matin, lorsque j’ai appris que les agents de forces de défense et sécurité assignaient les lieux. Je n’étais jamais gai, pas une seule seconde. Et soudain, j’entendais des coups de sifflets retentir sans cesse. Pris par la panique, je me suis habillés précipitamment et me voici devant le portail. Des pieds tremblants et tout le corps d’ailleurs, j’apercevais une foule inhabituelle en mouvement. Une foule nombreuse composée des jeunes, hommes et femmes qui marchaient en entonnant l’hymne national, drapeau du Tchad en mains. Les militaires qui avaient pris possession des lieux étaient aussi en alerte. Tout était prévisible que la situation allait dégénérer, surtout que la détermination se lisait sur les visages des manifestants qui fonçaient sans crainte, malgré des tirs sans retenus de gaz lacrymogène. Face à cette résistance, les forces de défense et de sécurité et quelques civils armés ont engagé des tirs à balle réelle des armes létales. Pour éviter de ramasser de balles perdues, j’ai dû me mettre à l’abri, en regagnant simplement ma maison, avec beaucoup de battement au cœur. Il fallait avoir du cœur pour tenir ne serait-ce que 5 minutes, dans le quartier, à cause des balles qui crépitaient et volaient comme des oiseaux.

Chrétien rétrograde que j’étais en ce jour, je commençais à renouer seul avec mon Dieu. Des prières de supplications me venaient à l’esprit et je les prononçais sans me rendre compte. Mon seul souci est de survivre pour m’occuper de mes enfants et ma femme. Joint l’acte à mes prières, j’ai profité d’un laps de temps d’accalmie pour me frayer un passage, c’était assurément une course de vitesse vers un point d’arrivé inconnu.

Subitement, je me retrouve à la rédaction du Journal Le visionnaire. Mais avant d’y arrivé, sur l’avenue Jacques Nadjingar, j’étais tombé nez à nez avec les policiers qui m’ont sommé de rebrousser chemin. J’ai brandi ma carte de presse pour m’en sortir. Un peu plus loin, les manifestants qui avaient barricadé la route allaient me prendre à parti et c’est cette même carte qui m’a sauvé la vie. Et c’était pour moi une chance d’échapper au pire, parce que certains de mes confrères, malgré la présentation de lacarte presse, ont été tabassés, d’autres ont même payé de leur vie à l’exemple d’Oredje Narcisse, tué par balle, paix à son âme.

Il faut reconnaitre que ce jour, personne n’était en sécurité. Ni les manifestants, ni les agents des forces de défense et de sécurité. Cela atteste le bilan macabre de ce mouvement d’humeur qui a occasionné la mort de plusieurs citoyens Tchadiens.

En plus, il y a d’autres scènes insoutenables qui resteront à jamais gravées dans ma mémoire. Je me souviens encore de ce civil armé, à bord d’un véhicule militaire, « conduits par des ANS » à bord de taxis et moto, à quelques jets de pierre de ma rédaction, tirant à bout portant sur tout ce qui bouge. Un de mes confrères et moi, vivions cette scène en « live ». Mais, nous étions obligés de détaler pour éviter la rage de ce despérado qui n’avait pour seul but que de faire couler du sang. Heureusement, comme nous, la foule s’est dispersée au premier coup de canon. Cependant, il m’a été rapporté que ce dernier était un Agent de renseignements généraux.

Cet agent voulait se venger. Car, l’un de ses collègues a été molesté par les manifestants, parce qu’il a été pris main dans le sac, lorsqu’il donnait la position de ces manifestants à ses collègues. Il faut admettre que la peur était notre allié ce jour. Moi et l’un de mes collègues de la Radio Vision Fm, désignés pour couvrir la sortie médiatique du premier Ministre de transition dans l’après-midi, malgré l’accalmie, avions ressentie cette angoisse. Car, les rues étaient désertes avec des engins de guerres déployés sur les axes stratégiques. Tout s’est bien passé à la primature. Cependant, nous avons cravaché pour revenir à rédaction par peur de tomber dans le couvre-feu qui a été institué cejour. L’annonce a été faite par le Premier ministre de transition, Saleh Kebzabo lors de cette communication. Alors qu’il avait fini sa communication, nous n’avions eu que 15 mn pour rallier la rédaction. Une pression de plus pour cette journée maudite que nous n’aimerions plus revivre.

AMN

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