Crise soudanienne : Khartoum brûle, N’Djamena inquiète

Juda 29 avril 2023

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Deux généraux rivaux (Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemetti », et son rival, le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée et dirigeant de facto du Soudan) s’offrent en spectacle sanglant, depuis quelques jours, en pleine capitale. Sous presse, on compte plus de 400 morts dont plusieurs civils, des milliers de blessés ainsi que plus de 20.000 déplacés sur le sol tchadien. Un bilan qui ne cesse de s’alourdir, malgré les appels lancés par la communauté internationale pour un cessez le feu. Drame en vue !

Il s’agit d’un combat intervenu entre les deux principales forces militaires au cœur de la transition au Soudan, depuis la chute d’Oumar El Béchir. Les généraux Burhan et Hemeti continuent à se livrer de rudes affrontements sanglants dans la capitale soudanaise depuis quelques jours. Les deux principales forces ne parlant plus le même langage, se regardaient déjà en chiens de faïence, au sujet de la gestion de la transition post Oumar El Béchir. Même si, aucun de deux camps n’ait brandi une argumentation solide et fondée pour justifier cette crise sanglante, le retour à l’ordre constitutionnel, avec comme fondement, la remise du pouvoir à un civil après cette transition mixte, serait le nerf de la guerre.

En effet, taillée sur un modèle de gestion conjointe et alternative entre les militaires et les paramilitaires, la transition au Soudan a été vue au départ, comme un modèle à copier pour certains pays africains, plongés dans une période transitionnelle comme le Tchad. Mais, au fur et à mesure que cette transition se poursuivait, les choses n’ont plus tourné en rond. Les appétits du pouvoir sont transformés en intérêts égoïstes, au grand mépris du peuple soudanais qui n’aspire qu’à un retour à la paix. Conséquences, les deux principaux généraux rivaux cherchent, chacun de son coté, à conquérir totalement le pouvoir pour dicter sa ligne de conduite. Le pays se retrouve ainsi plongé dans un bain de sang, causant de nombreuses victimes civiles qui se comptent à plus de 400 à nos jours, ainsi que plus de 3000 blessés et 20.000 déplacés sur le sol tchadien. Dans les contours, de cette guerre fratricide, plusieurs hypothèses et interprétations ont été avancées entre autres, la conquête de l’or et du pétrole. Le Soudan en regorgerait une importante quantité. L’ombre de la Russie que certains observateurs voient planer sur cette guerre également. Allusions faites au groupe paramilitaire du général Hemetti dont les hommes sont incontournables dans la gestion de certaines grandes firmes économiques du pays, notamment, les sociétés pétrolières ainsi que d’autres industries extractives minières.

Une épine au pied des autorités tchadiennes

Comme il fallait s’y attendre, le président de la transition du Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno a tenu à s’entretenir tour à tour,à quelques jours de ce conflit avec les deux têtes pensantes de la transition du Soudan, ici à N’Djaména. Des visites privées placées sous le signe de travail mais dont les enjeux étaient de chercher par tous les moyens d’éviter cette crise. Hélas, ce qui devrait arriver, arriva. Justement à propos, d’intenses bombardements et des raides aériens, des poursuites se multiplient dans la capitale soudanienne, faisant de nombreuses victimes.

Aussi, pour se mettre à l’abri, des milliers de soudaniens, en majorité des femmes et des enfants, affluent vers l’est du Tchad, notamment dans la province du Ouaddaï, qui a déjà accueilli plus de 200.000 réfugiés, depuis 2003, à la suite des guerres dans le Darfour. Une situation qui conduit inéluctablement vers débordement massifet nombreuxdes populations autochtones d’accueil. L’urgence humanitaire est alors à signaler avec l’approche de la saison des pluies, où certaines maladies épidémiques telles que le choléra, le paludisme ne sont pas à exclure. En plus, de l’avis de certains observateurs, l’afflux massif de ces réfugiés sur le sol tchadien présente d’autres risques de nature à compromettre le bon vivre dans les camps. Le Tchad partageant en commun avec le Soudan, plusieurs ethnies, cette guerre qui se joue à huis clos au Soudan risquerait d’être importée sur le sol tchadien. Il est à craindre et à prendre avec beaucoup de précaution, des guéguerres interethniques dans des camps, ainsi que parmi les populations d’accueil.

Par ailleurs, pour revenir aux autres inquiétudes de nature politiques des autorités de transition de N’Djaména, le général Hemetti dont les hommes apparaissent de plus en plus menaçants sur le théâtre d’opération, est réputé pro russe, un des bras droits de la société paramilitaire russe, la redoutable Wagner qui disposerait de deux camps d’entrainement des milices tchadiens dans le Nord de la République centrafricaine. Autre analyse pas et des moindres, le général Hemetti, d’ethnie arabe, cousin germain de Gal Bachar Issa Djadallah du Cabinet du PT, dispose d’une forte population au Tchad, notamment dans le Batha, le Salamat et le Ouaddaï, une des ethnies dont le mariage s’effectue bon gré malgré avec les Zakawa, ethnie au pouvoir. L’empressement de Mahamat Kaka à se proposer médiateur dans cette crise n’est pas fortuite. En réalité, l’homme craindrait son sort, au cas où, l’allié des Russes remporterait la guerre. Le feu qui est en train de bruler Khartoum risque bien de se propager à N’Djamena d’où, il faut demeurer vigilant et surtout mettre beaucoup d’eau pour mouiller la paille de notre toit.

Pour revenir à l’actuelle crise, l’afflux des réfugiés, les rapatriements des étrangers et autres corps diplomatiques illustrent à suffisance que le Soudan s’achemine tout droit vers le chaos. Il faut s’attendre à un schéma à la Tchadienne de 1981 avec la guerre de 9 mois, sinon, à la Libyenne, après la chute du guide de la révolution Mouammar Kadhafi. En d’autres termes, avec ce rapport de forces, on aura deux Soudans dirigés par deux hommes forts. Une leçon pour ceux qui s’opposaient à la création du cinquante quatrième Etat africain, le Soudan du Sud, qui pourrait bien ne pas regretter sa séparation avec le grand Soudan d’Oumar Hassan Elbechir.

Bendibaye Romingar

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